Ne vous faites plus biaiser : les biais cognitifs
N’avez-vous jamais été confronté à cette situation très classique où un ami est face à un problème qui lui semble insurmontable et où vous voyez de façon évidente la solution ? Mais pourquoi ne la voit-il pas ? Pourquoi se trompe-t-il tout le temps dans ses choix qu’ils soient sentimentaux, professionnels, en matière d’investissement ? Et si c’était vous, moi, nous qui nous trompions ?
Vous pensez que vos raisonnements sont logiques, réfléchis, basés sur des faits, incroyablement « vrais » ? C’est sans compter sur les biais cognitifs qui nous touchent tous. OUI tous.
Mais qu’est-ce que les biais cognitifs ?
Les biais cognitifs, parfois aussi appelés « illusions cognitives », sont un ensemble d’erreurs de raisonnement qui diffèrent du simple oubli ou de l’erreur de calcul.
Les biais cognitifs sont observables lorsque, dans une certaine situation, un sujet commet une erreur de raisonnement en recourant à une heuristique plutôt qu’à une loi logique et forme ainsi une croyance injustifiée, voire fausse. Ici on entend « raisonnement » au sens large, c’est-à-dire, théorique ou pratique, conscient ou non-conscient.
D’où viennent les biais cognitifs ?
L’être humain n’a pas toujours été aussi éclairé qu’il l’est aujourd’hui, et surtout pas aussi sécurisé. Mettez-vous quelques instants dans le contexte préhistorique. Sans le langage, sans les attributs d’un clan, sans repères sociaux et éducatifs, les hommes et les femmes devaient interpréter et juger de la dangerosité de leur environnement en quelques secondes. Il s’agissait d’une question de vie ou de mort. Celui que je croise est-il ami ou ennemi ? Cet animal est-il paisible ou dangereux ? Le temps manquait et le cerveau humain à fabriqué des moyens de répondre rapidement aux questions posées. D’abord par l’urgence de la situation, ensuite par la nécessité de ne pas trop consommer de ressources énergétiques mentales, l’humain a involontairement construit des raccourcis pour analyser des situations. Mais, malheureusement, dans notre période moderne où les tigres à dents de sabre se font rares, ces raccourcis ne sont pas toujours justes, et même au contraire. Ils biaisent notre jugement, nous amènent de fausses informations, nous poussent à faire des choix irrationnels et basés sur des émotions, des idées reçues et nous coûtent parfois très cher.
La théorie des biais cognitifs a été développée au début des années 1970 par les psychologues Amos Tversky et Daniel Kahneman. Ces derniers cherchaient à justifier la prise de décision irrationnelle dans le domaine économique.
Quelles sont les grandes familles de biais ?
Ensuite, D. Kahneman distinguait deux systèmes, deux « vitesses de la pensée » :
Le système 1, automatique et incontrôlable, se met en place par associations d’idées, de souvenirs, d’émotions, etc. Il en résulte une vision cohérente mais biaisée de la réalité. C’est le système à l’œuvre dans nombre d’actions et d’interactions.
Le système 2 est calculateur et se structure plus lentement. Ce mode de pensée prend en compte le système 1 mais répond davantage à un effort mental.
Les principales catégories de biais cognitifs sont alors :
- Biais sensori-moteurs : s’agissant des processus sensori-moteurs, on parle par habitude plutôt d’illusions que de biais.
- Biais attentionnels : avoir ses perceptions influencées par ses propres centres d’intérêt
- Biais mnésiques :
- Effet de récence — mieux se souvenir des dernières informations auxquelles on a été confronté.
- Effet de simple exposition — avoir préalablement été exposé à quelqu’un ou à une situation le/la rend plus positive.
- Effet de primauté — mieux se souvenir des premiers éléments d’une liste mémorisée.
- Oubli de la fréquence de base — oublier de considérer la fréquence de base de l’occurrence d’un événement alors qu’on cherche à en évaluer une probabilité.
- Biais de jugement : déformation de la capacité de juger
- Biais de raisonnement : paradoxes dans le raisonnement
- Biais liés à la personnalité : en rapport avec la culture, la langue, l’influence sociale…
Les différents types de biais cognitifs (ancrage, représentativité, cadrage…) ont particulièrement été mis en lumière par la finance comportementale comme étant source de diverses anomalies affectant les comportements économiques et l’efficience des marchés.
Les neurosciences étudient l’importance des biais dans l’enseignement qui sont à l’origine de nombreuses réponses considérées comme étant des erreurs par les enseignants, alors même que l’élève concerné a acquis la compétence impliquée dans l’exercice
Et dans nos vies ?
Regardez attentivement la photo ci-dessous. Que voyez-vous ?
Un homme qui court pour échapper à des voleurs ? Un amant pressé de retrouver sa compagne ? Un joueur invétéré fuyant ses créanciers ? Un banquier en retard au travail ? Tout ça peut-être vrai, ou pas !!!
Les biais cognitifs s’opposent à l’idée de « phénoménologie » : juste accueillir le phénomène sans tenter de l’interpréter. Combien de fois avez-vous entendu quelqu’un interpréter faussement vos mots, vos actions ? On fait ça tout le temps car c’est en nous, c’est plus fort que nous, c’est plus rapide, plus économe, plus séduisant. Mais ce qui est sûr c’est qu’il s’agit d’un homme, en costume, et qu’il court : et c’est tout ce que nous savons.
Oui, là est la différence entre ce que nous savons et ce que nous croyons. Alors comment faire pour ne plus subir ces biais, pour ne plus se tromper ? Ce n’est pas possible !! Mais maintenant que vous le savez, que vous en avez conscience, vous avez le choix : continuer à « croire », vous tromper et attendre que quelqu’un vous éclaire (et nous verrons que même là les biais vous pousseront à ne pas l’entendre) ou savoir que vous êtes en train de vous tromper surement et ne vous concentrer que sur ce que vous voyez et entendez avec certitude, sans interpréter, sans croire, et en cherchant de l’information pour enfin savoir. Bien sûr vous ne saurez jamais tout mais vous apprendrez plus et plus vite que le reste du monde. Après tout, le dicton est vrai : « il faut fuir ceux qui savent et suivre ceux qui cherchent ».
Facile à dire, mais à faire ? C’est un combat perpétuel qui différencie ceux qui avancent objectivement et ceux qui se trompent et succombent à leurs croyances par facilité. Vous n’êtes pas de ceux-là, vous voulez avancer, comprendre et agir, être acteur de votre vie et vous savez désormais que dans chaque interprétation se cache un préhistorique effrayé en vous, et vous ne le laisserez plus dicter votre conduite et vos choix.
En conclusion
La découverte de l’existence des biais cognitifs a été un apport essentiel pour les sciences cognitives, les sciences humaines et sociales, les sciences économiques, mais également dans la compréhension des interactions humaines. Comprendre, intégrer, reconnaître ces biais chez vous, chez l’autre, apprendre à les dépasser et même peut-être s’en servir, sont des clés indispensables pour reprendre le contrôle de son existence. C’est pourquoi nous ferons souvent référence à ces biais et que nous apprendrons, petit à petit, à les découvrir.
Souvenez-vous que votre première impression peut-être la bonne, mais que dans le doute, un temps de réflexion vous assurera de ne pas vous tromper, de ne plus croire mais de savoir.
One Comment
Julien Torres
Bel article !