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La valeur : une vraie ambiguïté

On parle souvent de « valeur », la valeur d’un objet, d’un service. Mais aussi de la valeur d’une personne, d’une promesse ou d’une idée. Mais sauriez-vous définir ce qu’est la valeur et déjouer le piège de son ambiguïté ? Il est très fréquent d’assimiler la valeur au prix des choses ; mais c’est bien plus que cela. Comprendre la dichotomie intrinsèque de la valeur peut vous aider à comprendre bien mieux un marché, autrui, et pourquoi pas vous-même. Alors cet article sera fondamental. En tous cas pour moi … 

Qu’est-ce que la valeur ?

Près de quatre siècles avant notre ère, Aristote déterminait déjà deux valeurs en toute chose. Cette dualité, et en même temps cette complémentarité, a traversé les temps et elle est aujourd’hui la base du marketing de haut niveau : un prérequis, un fondamental, pour comprendre les marchés mais aussi tant de choses dans la vie.

La valeur d’échange

Il s’agit simplement (mais pas si simple) du prix. C’est le montant à débourser pour l’acquisition du bien ou du service. Dans le cadre du marketing commercial, de nombreuses dimensions et techniques permettent de déterminer ce prix.
Mais on peut largement dépasser le marketing commercial. Dans le marketing politique, le prix que payera l’électeur est le dépôt de sa voix. En marketing social le prix à payer est un changement des comportements et parfois des habitudes. En marketing de la séduction, le prix sera l’intimité partagée ou offerte. Notons, qu’à priori, ce prix n’est ni cher, ni pas cher : il est la valeur d’échange, c’est à dire le passage obligé pour obtenir ce que l’on souhaite.

La valeur d’usage

On rentre dans le plus complexe : c’est la valeur que l’acheteur va accorder au produit ou au service. Cette valeur d’usage est individuelle, elle dépend de différentes variables intrinsèques ou sociales, elle peut évoluer dans le temps en fonction du parcours de chacun. C’est cette valeur qui est souvent source de conflit et d’incompréhension entre les individus.
Par exemple, là où certains verront dans un téléphone portable un simple moyen de communication parmi tant d’autres, et une source de divertissement sans grandes spécificités, d’autres y verront LE moyen de garder le contact permanent avec leur réseau et une source d’épanouissement sans comparaison. Une différence d’appréciation ? Bien plus que ça : une opposition de valeurs. Pour le premier, l’aspect non-obligatoire ou interchangeable du téléphone ne lui confère qu’une faible valeur d’usage, cet objet « n’est pas si indispensable que ça ». Pour le second, cet outil est indispensable, primordial, voir même vital. Et à ce titre il serait prêt à débourser des sommes folles pour ne pas en être privé. Il n’y a pas de jugement de valeur à avoir. Vous pouvez être l’un des deux, ou toute autre position intermédiaire. Il n’y a ni bien ni mal, juste une différence de valeur d’usage. De ce fait, Mesdames, quelle valeur à un soutien-gorge pour un garçon ? Comprendrait-il les sommes indécentes parfois dépensées pour cet accessoire qui à ses yeux n’a aucune (ou presque) valeur d’usage ? Mais Messieurs, combien serait capable de débourser votre compagne pour cette console de jeux qui ne l’intéresse pas et qui ne revêt pour elle aucune valeur d’usage ? Comment cette femme réagirait à l’achat par son compagnon d’un aspirateur pour son anniversaire ? Comment cet homme réagirait-il si on lui offrait un épluche-légumes pour noël ?
Nous le voyons bien, la valeur d’usage n’est pas la même d’un individu à l’autre et ceci explique les différences d’achats, de vote, de comportements, ou de choix de partenaires : à chacun sa valeur d’usage.

L’adéquation entre ces deux valeurs


Nous sommes capables de différencier la valeur d’échange de la valeur d’usage. Nous avons conscience que si la valeur d’échange (le prix) est la même pour tous, la valeur d’usage (intérêt) peut fortement varier en fonction des individus. Mais qu’est-ce qui fait que l’on va acheter ou pas, voter ou pas, décider de se mettre en couple ou pas ? C’est la nécessaire adéquation entre ces deux valeurs.
En effet, si la valeur d’échange (le prix à payer) est supérieure à la valeur d’usage alors nous estimerons que c’est « trop cher ». Et de très nombreuses expressions valident cette idée, y compris en dehors du cadre commercial. Par exemple, cette jeune femme qui ne souhaite pas s’engager dans une relation impliquante parce qu’elle n’est pas rassurée, pourra dire « le risque est trop important, ça n’en vaut pas le coût !». Mais de quel coût parle-t-on ? Il s’agit du risque de souffrance par rapport au bénéfice du bonheur potentiel : le prix est trop cher. Tous les domaines sont concernés. On parle fréquemment du rapport coût-gain, c’est-à-dire de l’appréciation des gains potentiels en fonction des risques encourus ou plus spécifiquement, du prix à payer pour obtenir ce que l’on souhaite. Si le prix (valeur d’usage) est trop cher alors l’échange ne se fait pas. Il est important de rappeler ici la théorie de l’échange social proposée par BLAU en 1964 et qui précise qu’il y a échange si et seulement si les gains obtenus par l’échange sont supérieurs à ceux obtenus sans échange. Aucune transaction ne peut donc se faire, quelque soit le domaine, si la valeur d’échange est au-dessus de la valeur d’usage de l’intéressé.
Mais l’inverse est strictement présent dans la façon de réfléchir de l’être humain moderne. En effet, si la valeur d’usage est nettement supérieure à la valeur d’échange, autrement dit si le prix d’achat est trop bas par rapport à l’idée que l’on s’en fait, il ne va pas non plus y avoir achat car : pas assez cher. Cela peut-être louche, peut-être une arnaque, de la mauvaise qualité, un produit incomplet ou toute autre raison qui va pousser le consommateur à se méfier et donc va lui enlever l’envie du produit. A cela s’ajoute la notion d’orgueil qui fait qu’un individu, quel que soit le domaine, a besoin de se sentir unique et privilégié. Dans ce cadre, si la proposition de valeur d’usage est trop forte, ou la valeur d’échange trop faible, cela va mettre en danger l’image même qu’il peut avoir de sa propre valeur. 

Le secret d’un échange bien amené est de démontrer suffisamment de valeur d’usage pour intéresser l’autre et être en adéquation ou légèrement au-dessous du prix mais pas trop pour ne pas apeurer l’autre.

Au quotidien


Je vais tenter d’étayer ces propos en 2 exemples.
Le premier est relatif au problème de ne pas être assez cher. Lorsque j’ai créé mon cabinet en 2002, j’avais comme idée de faire des tarifs réduits pour les étudiants et leur permettre ainsi d’accéder à mes services. Un jour un étudiant me téléphona pour prendre rendez-vous. Il me demanda mes tarifs et je lui fis donc la ristourne de 50% prévue. Il me dit alors qu’il préférait payer le prix normal car il ne voulait pas avoir une prestation au rabais. Sa valeur d’usage était haute, ma valeur d’échange était basse : cette différence le faisait douter et le poussait à ne pas accepter la transaction.

En 2019, je fus contacté par une école de commerce de la conférence des grandes écoles. J’avais vraiment envie d’enseigner dans cette école mais je n’étais pas prêt à me brader pour cela. Lors de mon contact avec le responsable pédagogique, je lui ai fait part de prestations en matière de rémunération, mais aussi de frais annexes tels que les trajets et l’hébergement. Très rapidement il me fit comprendre que j’étais bien au-dessus du tarif des autres enseignants. Il m’est alors apparut deux solutions : ou je baissais mes prétentions et me bradais au risque de faire diminuer ma valeur d’usage, ou je devais augmenter cette valeur d’usage afin qu’elle rejoigne le tarif haut. J’ai opté pour la seconde solution en proposant et démontrant une haute valeur de mes prestations et en offrant de fournir aux étudiants un exemplaire de mon livre concernant le sujet. Ma valeur d’usage est remontée et est devenue en adéquation avec la valeur d’échange. Je fus engagé.

Au quotidien il faut faire attention à n’être ni trop haut, ni trop bas par rapport à cette nécessaire adéquation entre valeur d’échange et valeur d’usage. Dans le cadre commercial, il conviendra de créer de la valeur d’usage si le prix est cher et augmenter le prix quand la valeur d’échange est haute. Dans le cas du recrutement, il faut exiger un salaire en adéquation avec la valeur que nous apportons. De la même façon, dans les rapports humains, il faut savoir démontrer sa valeur tout en ne devenant pas inaccessible. Cette volonté d’équilibre est indispensable à l’échange, et le secret d’une réussite sans heurts.

En conclusion

Vous avez des valeurs ? Vous avez des envies ? Elles constituent souvent un prix pour autrui. Il vous sera impossible d’atteindre vos objectifs si vous ne maitrisez pas à la fois ce que les autres perçoivent de vos valeurs. Comme toujours, s’intéresser aux autres est la clé pour avancer. « L’Homme est condamné à être libre » pensait Jean-Paul SARTRE. A ce titre il est maitre de ses choix et de ses ressentis. Pour échanger, il est indispensable de comprendre autrui et de lui offrir ce dont il a besoin et non ce que vous avez à offrir. Alors quelle est votre valeur ?

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