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Écrire son histoire : reculer pour avancer

Ne vous êtes-vous jamais senti aculé par les évènements ? Comme pris dans une suite de petits évènements vous conduisant inéluctablement vers une destination non choisie et peu avantageuse ? Certains appellent ce phénomène « la loi de MURPHY » qui décrirait un enchainement de circonstances conduisant à l’exagération des aspects négatifs d’une situation. Mais si c’était de votre faute ? De la mienne ? De la nôtre ? Et si nous pouvions écrire une histoire différente de celle qui est en train de s’écrire malgré notre volonté consciente ? 

Déterminisme et existentialisme

C’est en 1677 que « L’Éthique », le livre posthume du philosophe portugais SPINOZA fut publié. Il offrait une vision différente du monde et de l’être humain. Dans une société déiste dominée par la pensée de DESCARTES et la croyance en Dieu, SPINOZA proposait une pensée déterministe des choses. Pour lui, toute chose avait une cause, celle-ci produisait un effet.

Là où les croyants imaginaient que Dieu pouvait créer ex-nihilo (à partir de rien), il développait l’idée que, même si nous n’en n’avions pas conscience, même si nous l’ignorions, ce que nous vivions était le produit d’actions antérieures. Alors certes nous ferions des choix, mais ceux-ci ne seraient que la résultante de choix antérieurs. Nous écririons ainsi notre histoire peu à peu en créant jour après jour les causes de notre futur. Cette notion de déterminisme, contrairement à la pensée d’une mauvaise lecture de l’auteur, ne signifie pas que les choses sont déterminées à l’avance : bien au contraire. Cette idée est traditionnellement véhiculée par les religions dont s’éloigne SPINOZA. Son déterminisme précise que la construction des causes détermine la réalisation des effets.

Lorsqu’en 1943, dans son ouvrage « L’Être et le néant », le philosophe Jean-Paul SARTRE déclare « L’homme est condamné à être libre », il exprime l’idée selon laquelle l’être humain n’a pas de « destin », de but écrit, mais par son existence il écrit sa propre histoire en faisant ses propres choix. Cela lui fera écrire « L’existence précède l’essence » qui traduit cette pensée où, de par ce qu’il fait, l’Homme construit pas-à-pas ce qu’il est. Ses choix, ses actions, ses envies, ses motivations ne lui seraient pas donnés à la naissance mais sa vie et son histoire lui seraient offertes en écriture, individuellement, jour après jour.

Condamné à être libre, l’être humain arbitrerait des choix et avancerait dans cet univers existentialiste.

Le lien entre déterminisme et existentialiste est flagrant : tout effet à une cause, toute cause est le produit d’un choix ou d’un non-choix. Peu à peu, l’être humain avance vers la définition de ce qu’il est dans une existence faite de décisions ayant des conséquences.

Les bons choix ?

Qu’est-ce qui détermine nos choix ? Des variables individuelles telles que nos traits de caractère, nos besoins … ? Des variables collectives telles que nos groupes d’appartenance, de référence … ? Il est très difficile de répondre à cette question. Peut-être les deux, parfois plus les unes, parfois plus les autres … Mais qu’est-ce qui fait qu’un choix est « bon » pour nous ?

Pour Emmanuel KANT, nos choix devraient être guidés par la morale. La morale kantienne s’intéresse au bien et au mal, mais d’un point de vue différent des auteurs de son époque. Pour lui, la « bonne morale » est celle qui impose des choix que l’on souhaiterait pour l’humanité, et qui serait le fruit d’une réflexion vertueuse et non individualiste.

Un être humain ferait un « bon » choix quand ce dernier pourrait être appliqué à l’ensemble de l’humanité et non à lui seul. Par exemple, quelqu’un ne mentirait pas, ce serait son choix, et un bon choix, s’il pensait que cela devrait s’appliquer à toute l’humanité. Si, au contraire, quelqu’un pensait que l’humanité ne devrait pas mentir, mais lui-même s’autoriserait à déroger à la règle, il ne s’agirait pas de « morale » vertueuse. Et dans le même ordre d’idée, KANT voit dans un choix moral le respect d’une certaine éthique et non le gain individuel potentiel. Ainsi, imaginons un homme prêt à braquer une banque. S’il se ravise et ne la dévalise pas. Pour l’auteur, ce choix sera moral si le presque braqueur se retire parce que pour lui cela n’est pas moralement conforme. Mais si c’est la peur de se faire attraper qui le pousse à renoncer alors ce ne sera pas un choix moral mais conditionné.

Un « bon » choix serait à la fois nourrit par des valeurs universalistes et humanistes, propulsé par une volonté d’exprimer ses valeurs au monde, et enrichi d’une soif positive altruiste. Oui, mais l’être dans tout ça ? Difficile de trouver son chemin dans une société individualiste où la morale fluctuante peut aller à l’inverse de ses propres intérêts, dans laquelle tricher et mentir sont la norme, et notamment se mentir à soi-même en se faisant croire que c’est pour le bien d’autrui.

Écrire son histoire

Suivant ces principes, l’être humain, doué de raison et d’émotions, devrait, et même doit, écrire son histoire. Il se fixe des objectifs et doit en déterminer les causes afin de mettre en place les éléments nécessaires à la réalisation d’un futur conforme à ses attentes. Il en est maitre, acteur, par ses décisions et ses choix (en tous cas selon SARTRE) même si des facteurs socioéconomiques peuvent lui faciliter la tâche ou non. Il peut encourager la chance et le hasard en se trouvant là où ceux-ci vont frapper, en le décidant. Il a conscience que la suite d’un certain nombre de choix peut le conduire dans une direction ou dans une autre. Il étudie les différentes possibilités et choisit les causes d’aujourd’hui pour les effets de demain, même s’il ne peut systématiquement avoir conscience de toutes les causes l’ayant conduit là où il est (en tous cas selon SPINOZA). Il arbitre des choix en fonction de ses valeurs morales qu’il espère universelles, et tente de faire le bien, non pas pour se préserver du mal, mais pour respecter sa propre éthique (en tous cas selon KANT).

Écrire son histoire n’est alors qu’une question d’objectifs, et de choix à faire pour les atteindre : simple n’est-ce pas ? Pas forcément car dans tout chemin optimal se trouve des balises éclairant ses contours. Il faut donc une méthode …

C’est en 1910 que Henry GANT popularisa une méthode de gestion de projet qu’il avait emprunté à l’ingénieur polonais Karol ADAMIECKI l’ayant décrite en 1896. Alors bras droit de Frederick TAYLOR qui développera « L’organisation scientifique du travail » en 1911. GANT propose un diagramme permettant de visualiser les différentes étapes et les suites temporisées d’actions (tâches) conduisant à un objectif déterminé. Ce qu’on appelle aujourd’hui le « diagramme de GANT ». Il est la base de la gestion de projet et permet d’organiser de façon efficiente les actions afin de produire des résultats optimisés.

Nous reviendrons techniquement sur ce diagramme dans un autre article. Mais l’idée est de partir de l’objectif et de lister, temporiser, lier les différentes causes menant à ce dernier. Il s’agit de la base des rétro-planning. Ainsi, on part de la conclusion souhaitée, et on recule dans le temps pour établir un plan d’action quantifiable, en éliminant les parasites, et cela va nous permettre d’avancer de façon éclairée : reculer pour avancer.

 

Au quotidien

Lorsque j’ai commencé à enseigner l’insertion professionnelle à l’Université de Bordeaux, j’ai été frappé par le cheminement intellectuel sans issues de mes étudiants. Rien de péjoratif, juste un constat sur une humanité qui subit les choses au lieu de les vivre. Mais je vais vous donner un exemple flagrant.

Paul était étudiant en dernière année de Master en management du sport et avait entendu parler du cours que je donnais en Licence. A deux mois de son diplôme, il était désespéré de ne pas avoir de vision sur son avenir professionnel et me demandait conseils à la fin d’un cours. Je lui ai donc demandé ce qu’il avait entrepris dans ce sens.

Il avait fait rapidement un CV (entre nous, moche, non conforme aux attentes et obligations, et peu valorisant), une lettre de motivation standard et sans relief, et avait envoyé ses documents à près de 200 organisations pour lesquelles « on » lui avait dit qu’il était bon de postuler. Il n’avait eu que 6 réponses dont une lui proposant un entretien. Il s’était présenté à cet entretien d’embauche sans préparation et se plaignait de la triste issue de son entrevue. Je lui ai alors fait trois remarques : « Une destination inconnue n’est jamais accessible » (Albert CAMUS), « On ne se différencie pas en étant pareil » (Michael PORTER), « on ne gagne pas sans investir » (John ROCKEFELLER).

Pour atteindre ses objectifs, encore aurait-il fallut qu’il en ait. Je lui ai d’abord proposé de faire le point sur ses envies et ses besoins, sur ses motivations et ses freins. Il en a déduit qu’il voulait travailler dans un club de football professionnel. Or, il n’avait postulé que dans un seul club. Je lui ai ensuite proposé de faire la liste de ce qui le différenciait des autres, tant dans les qualités que dans les défauts, et de réfléchir sur le meilleur moyen de maximiser ses atouts tout en minimisant ses limites. Il me fit une liste de qualité à développer et une liste de limites que des formations ou du coaching pourraient estomper.

Je lui ai enfin demandé de réfléchir au plan d’action qu’il avait mis en place, à la nature et à l’intensité de son investissement, et surtout à ce qu’il aurait dû faire pour atteindre son objectif, avec ses qualités. Il en conclut que sa démarche sans buts ne pouvait pas aboutir et que la méthode était à revoir.

Nous avons alors réalisé un rétro-planning, un diagramme de GANT, ayant pour finalité son embauche dans un club de football professionnel. Pour atteindre cet objectif, il faudrait réussir son entretien, et pour cela il faudrait se préparer. Pour avoir un entretien, il faudrait postuler efficacement auprès de tous les clubs professionnels de football, avec des documents adaptés aux exigences des recruteurs, tout en se différenciant de ses concurrents. Et pour cela il faudrait repenser son CV et sa lettre de motivation. Il entreprit de refaire son CV en travaillant un document plus « vendeur » et adapté à sa cible. Pour cela, il fit appel à une entreprise spécialisée. Il leur demanda également de l’aider à refaire une lettre de motivation davantage en relation avec ses attentes personnelles et celles de ses futurs recruteurs, une lettre qui montrerait son appétence pour les postes convoités et qui ferait la part belle à ses qualités. 150 euros plus tard, il était désormais en possession de documents parfaits, le différenciant, et en accord avec ses désirs. Il se préparait aux entretiens d’embauche avec un coach, suivait des formations en art oratoire, et modifiait son image tant sur les réseaux sociaux que dans la vie réelle. 34 jours plus tard (et avec un tout petit peu de piston), il devenait le responsable communication d’un club de football professionnel (section féminine) qui lui servirait de tremplin vers d’autres aventures.

Paul n’est pas un cas isolé. A un moment j’ai été comme lui, avançant vers je ne sais où, me laissant porter par le courant de la vie avec comme seul projet que de me plaindre des choix que je ne faisais pas. Et en étant honnête, vous l’avez parfois fait aussi, vous vous êtes reposés sur une suite d’évènements non choisis et vous vous êtes parfois éloignés de vos objectifs, de vos rêves profonds. Et quoi ? C’est fini ? Bien sûr que non ! Ce pouvoir de façonner votre avenir est entre vos mains car vous êtes « condamné à être libre ». Alors libérez-vous et avancez vers la destination de votre choix.

En conclusion

Il est parfois triste de constater que nous pouvons avancer sans réels buts. Subir jour après jour les évènements de la vie que, pour une très grande part, nous avons déclenchés en choisissant des voies sans objectifs. Et pourtant !! Même si rien n’est écrit, même si le hasard et la chance travaillent en sous-main, nous avons le pouvoir de définir notre direction et les choix à faire pour y parvenir. Nous avons la possibilité de dessiner un chemin vers nos rêves et nos envies. Paul l’a fait : et vous ?

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