Psychologie,  Relations sociales,  Savoir-être

Qui s’assemblent se ressemblent ?

Vous avez remarqué à quel point certaines personnes ont tendance à se vanter d’appartenir à un groupe qui ne leur ressemble pas ? Les jeunes se croient adultes, nos ainés se croient jeunes, tout le monde pense être propriétaire du « bon goût », les infidèles prônent la loyauté, les menteurs claironnent leur honnêteté

Bien sûr, PLATON disait déjà, près de cinq siècles avant notre ère, que « l’Homme est un animal social ». La, ou les identités sociales régissent les rapports individuels et sociaux de chacun avec différents groupes. Différents types d’interactions vont se développer. Mais l’individu, qu’il soit humain, citoyen, consommateur ou électeur par exemple, va appartenir à plusieurs groupes en même temps et va revêtir plusieurs rôles sociaux, plusieurs identités sociales.

Dans « l’être et le néant », en 1943, le philosophe existentialiste Jean-Paul SARTRE expose l’idée selon laquelle l’individu se définit d’après le regard de l’autre. C’est donc les membres de nos groupes, ainsi que les non-membres qui nous envoient une image de notre propre identité groupale (MERTON, 1865). C’est ici que Herbert HYMAN, en 1942, fait la distinction entre « groupe d’appartenance » et « groupe de référence ».

Groupe d’appartenance et de référence

Groupe d’appartenance

« Le groupe d’appartenance est le groupe auquel l’individu dit-on est censé appartenir ». HYMAN explique que ce sont les autres qui définissent l’individu comme appartenant au groupe social. De par ses attitudes, ses comportements, ses habitudes, qu’elles soient sociales, culturelles, vestimentaires … L’individu n’a pas obligatoirement conscience de cette appartenance mais il connaît, comprend et utilise même de façon involontaire, les « codes » de ce groupe qui le définit. La notion de groupe d’appartenance se réfère aussi au fait que les individus sont situés quelque part, qu’ils entrent dans des catégories sociales donnés et qu’ils en acceptent, de façon plus ou moins explicite, les valeurs pour exprimer leur identité et vont s’appuyer sur ces critères d’appartenance pour manifester leur différence à travers des rôles et un style de vie particulier. Conformément à l’expression de ces codes, le consommateur va suivre des modes de consommation parfois stéréotypés, correspondant aux habitudes de son groupe. Il parle la langue de son groupe, connaît ses attributs et achète comme, et au même endroit, que les membres de ce groupe continuant ainsi à se définir comme faisant partie du groupe, et sans même le vouloir.

Groupe de référence

Mais HYMAN définit aussi le groupe de référence comme « tout groupe auquel se réfère un individu en ce qui concerne ses attitudes ». C’est le groupe dont « rêve » d’appartenir l’individu. Il n’en maitrise pas les codes, ne parle pas la langue, oil en a une image déformée, caricaturale. A ce titre il va tenter de singer les attitudes et comportements de ce groupe pour essayer de s’y faire accepter. Oui, l’individu a conscience qu’il est observé et souhaite choisir sa propre identité, en fonction du groupe qu’il a élu en référence. Ce groupe porte des habitudes et des valeurs supposées par l’individu, il va alors également servir à « juger » le monde et les autres. Et se juger lui-même. Il va alors servir d’absolu, de but, il va permettre à l’individu d’évoluer vers ce groupe de référence. C’est l’aspect très positif du groupe de référence : celui de tirer chacun vers le haut. Car le groupe choisi est toujours supérieur au groupe d’appartenance mais selon des critères liés au parcours de chacun : supérieur financièrement, culturellement, en matière de notoriété, de style de vie, etc. … Le consommateur va alors, avec ses moyens et les codes de son groupe d’appartenance, tenter de s’élever pour se faire reconnaître par son groupe de référence. Paradoxal direz-vous ? N’y a-t-il pas une opposition entre la consommation comme son groupe d’appartenance mais vers son groupe de référence ? En fait oui, et non. Le consommateur fait avec ses moyens mais comme s’il avait les moyens de son groupe de référence. Ainsi, vous pouvez constater dans les supermarchés low-cost qu’il existe des gammes de produits « de luxe » qui n’en sont pas et qui se vendent. Regardez chez les concessionnaires automobiles bas de gamme, ils proposent des modèles d’apparent « haut de gamme » . Constatez à quel point le consommateur se plait à acheter des produits « prémium » de marques n’ayant rien de luxueux. Il appartient à un groupe, consomme d’après ses codes des produits ou services qu’il pense être l’habitude de son groupe de référence.

Au quotidien

Comme il est important de comprendre et connaître le fonctionnement d’autrui, il est aussi primordial de se connaître soi. Alors un exemple sur moi ?

Je suis issu d’une famille qui avait l’habitude de se réunir à l’occasion des fêtes de noël pour un dîner convivial. Chacun apportait de quoi festoyer ensemble, nous avions le plaisir infini de nous retrouver, d’échanger et nous passions surement la plus jolie soirée de notre année pour ce réveillon. La table était dressée, les mets servis, les bouteilles ouvertes, les convives élégants, les bijoux brillaient, des cigares brûlaient et l’univers nous appartenait. Nous faisions énormément de photos pour immortaliser ces instants d’absolus, de beauté, de bon goût et de splendeur. Mais en regardant de plus prés, et en sachant que ma famille très modeste ne possédait que les codes de son groupe d’appartenance (les gens sans grands moyens financiers) mais que pour cette soirée d’exception elle souhaitait appartenir à son groupe de référence choisi (ceux qui ont de gros moyens et dans l’imaginaire collectif, qui possèdent le bon goût et les habitudes les plus enviables), observons finement la scène. Sur la table, de chaque ôté des assiettes en carton, se trouvaient des couverts jetables. Devant chaque convive, un verre et une flute à champagne en plastique se dressaient. Dans des plats en aluminium se tenaient du saumon fumé d’élevage acheté en barquettes industrielles, des blinis d’un autre temps saupoudrés d’œufs de lump en conserve, des bouteilles de mousseux et de vins sans pédigré remplissaient l’honorable vaisselle plastifiée, les bijoux achetés par correspondance faisaient étinceler les costumes, robes et cravates bon marché achetés pour cette occasion. Les photos étaient belles. Les moments étaient merveilleux. L’espace d’un souffle nous changions de condition sociale et les sourires des vieilles tantes arborant leur visage radieux quand elles disaient « mais que tu es beau » en ajustant ma cravate trop grande, restent pour moi des souvenirs émouvants. Nous consommions selon nos codes, mais en singeant les habitudes supposées de ceux à qui nous voulions ressembler, de qui nous voulions nous faire accepter. Et les semaines qui suivaient, nous montrions les photos de cette soirée exceptionnelle à tous nos mis qui nous trouvaient aussi particulièrement élégants et raffinés. Nous nous sentions presque appartenir à cette classe qui nous paraissait trop souvent inaccessible. Nous étions heureux et impatients de remettre cela l’année d’après.

En conclusion

Quand SARTRE écrivait « l’existence précède l’essence », il voulait dire que, parce que l’Homme n’a pas de but en soi, à l’inverse d’une fourchette qui sert à manger, ou un verre à boire, son utilité (essence) ne se dévoilera qu’à l’issu de sa vie (existence). Être heureux, efficace, performant, épanoui dépend du chemin choisi. Ce chemin doit comporter un point de départ. Comprendre son groupe d’appartenance c’est envisager un bout de ce point. Connaître ses groupes de référence donne une idée de la voie épanouissante à suivre. Alors apprenez et vous saurez, vivez et vous serez …

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